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<        THÉRAPEUTIQUE,

                OU TOXIQUE ?

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    CANNABUSINESS,    >

UN NOUVEL OR VERT ?

Les questions de légalisation et de dépénalisation en France ne sont pas encore à l’ordre

du jour. Cette dernière a même été balayée par le ministre de l’Économie Bruno Lemaire

à la télévision. La contraventionnalisation ou amende forfaitaire semble être la piste privilégiée par le gouvernement français, qui souhaite simplifier la répression concernant l’usage

des drogues.

 

Suite au rapport parlementaire favorable à cette approche, les voix des syndicats de police sont unanimes. Tous souhaitent faire évoluer la loi. Les mots de Patrice Ribeiro,

du syndicat Synergie des officiers de police, sont évocateurs. « Certains policiers en arrivent même (...) à jeter le petit joint par terre pour ne pas avoir à faire une procédure fastidieuse

et vaine ».


Le rapport va même jusqu’à évoquer une « dépénalisation de fait ». Sur la majorité

des personnes interpellées pour consommation de cannabis, la plupart sont simplement rappelées à l’ordre. À croire que la légalisation du cannabis en France est à nos portes.

Contraventionnalisation, étape intermédiaire ?

Présenté en janvier dernier, le rapport d'Eric Poulliat (LREM) et de Robin Reda (LR) défend une amende forfaitaire entre 150 et 200 euros pour usage et possession

de stupéfiants. Un montant revu à la hausse par Nicole Belloubet, ministre de la Justice,

qui l'estime désormais à 300 euros. La détention de cannabis passerait d’un délit à une simple contravention, administrée par la police et la gendarmerie plutôt que par les juges. Edouard Philippe justifie cette contraventionnalisation par le besoin de « punir systématiquement pour dissuader vraiment ».

 

Actuellement, les usagers de cannabis encourent une peine de prison d’un an ainsi que

3 750 euros d’amende. 140 000 personnes seraient chaque année interpellées à cet effet.

Les tribunaux français débordent d’affaires liées à la consommation de weed. En 2015,

le ministère de l’Intérieur recensait près de 4 000 peines à l’encontre d'usagers,

dont 1 283 de prison ferme.

 

Ces infractions seraient responsables d’une entrée en prison sur sept. L’usage, la détention et la revente de cannabis expliquerait l’augmentation des incarcérations en France.

La contraventionnalisation ne générerait donc pas de peines et désengorgerait les prisons.

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Un usager de cannabis allume son joint (FR), DR

Benoît Hamon

L’une des seules personnalités politiques françaises à prôner

la légalisation du cannabis, il a créé le parti politique Génération·s

en juillet 2017 peu après sa défaite à la dernière présidentielle.

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Cette position est loin d’être partagée par notre gouvernement, qui compte néanmoins faire évoluer sa législation. Une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron s’est récemment matérialisée dans un rapport parlementaire. Dans son livre Révolution, il préconisait une dépénalisation

du cannabis avant d’adopter une position plus conservatrice. Fin 2016,

plus de 80% des français estimaient que la législation du produit

était inefficace. Le Président aurait tenu compte des sondages pour consolider la répression au détriment d'une solution plus progressiste.

Benoît Hamon s'est emparé du sujet lors de la campagne présidentielle. Le leader de Génération.s préconise une légalisation pure et simple du cannabis dans un souci « d’ordre

et de santé publique ».

Bleu, blanc, rouge… et bientôt vert ?

Les banques du pays, parfois filiales de groupes étrangers, font rempart aux officines vendant du cannabis. Elles refusent « l’argent de la drogue », d’où un nombre restreint

de pharmacies. Le produit réduirait également la consommation de médicaments

dans les pays où il est légalisé. Les effets psychotropes du cannabis apaiseraient

certaines douleurs physiques et psychiques.

 

En France, le Sativex - médicament à base de cannabis - n’a été autorisé qu’en 2014,

alors que 17 pays européens l’avaient déjà commercialisé. Pour justifier son autorisation tardive, la Haute autorité de santé avait jugé faible l'utilité du médicament.


Pour le ministère de la Santé, la commercialisation du produit ne signifiait pas

« une légalisation du cannabis thérapeutique ». Aujourd’hui, le produit n’est pourtant disponible dans aucune pharmacie française, faute d’accord entre le gouvernement

et les laboratoires sur le prix de vente. Mais le débat de la légalisation reste d’actualité.

« [Les représentants uruguayens]

ne pensaient pas qu’il y avait autant

de consommateurs »

- Gabriel Fernandez

La vente libre de cannabis en Uruguay est effective dans 11 pharmacies de manière

à « faire concurrence au marché informel ». Un premier échec pour le gouvernement

qui souhaitait s’appuyer sur un total de 30 pharmacies. Les officines enregistrées

se partagent un total de 400 kg de cannabis. Une quantité jugée trop faible par Gabriel Fernandez, consommateur local. « Le gouvernement a mal estimé la vente de cannabis

qui est en rupture de stock en moins d’une journée dans les pharmacies », déclare-t-il.

 

Le faible nombre de pharmacies ne garantit pas l’offre du produit sur tout le territoire.

« La demande est très importante et [les représentants urugayens] ne pensaient pas

qu’il y avait autant de consommateurs » poursuit Gabriel. La seule alternative à ce déficit

est de se déclarer auto-producteur pour cultiver sa propre weed. En 2017, on recensait

plus de 6 000 producteurs locaux.

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Les politiques répressives sont un échec en Amérique latine. Pour lutter contre

le trafic de stupéfiants, l'Uruguay a choisi d'améliorer la qualité du cannabis

et de faciliter son accès. Le produit, dont l’usage récréatif est légal depuis 2013, est soumis à des normes sanitaires afin de préserver la santé publique.

Une décision prise pour « mettre à mal les puissants réseaux du narcotrafic », selon l’ancien président José Mujica.


Pour Olivier Hurel, ce nouveau statut est un signal fort envoyé

par le gouvernement uruguayen. Mais l’expert de Norml se montre pessimiste

sur l’arrivée du modèle en France, le qualifiant d'incompatible avec les législations européennes actuelles. Sans légalisation à son actif, le vieux continent adopte

une position assez conservatrice. Le cannabis y est pourtant dépénalisé

dans 12 de ses pays.

L’Uruguay et la legalización

Au Colorado, l'amendement 64 autorise les usages médicaux et récréatifs du cannabis.

Pour l'avocat Brian Vicente, l'un de ses auteurs, cet État va « servir d'exemple

et de modèle pour le monde entier ».

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Une station de cannabis thérapeutique au Colorado, CC-BY Jeffrey Beall

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- Le casier judiciaire des consommateurs interpellés entre le vote

de la loi et son application a été effacé. L’objectif est de « réparer

les dégâts causés par la désastreuse guerre contre la drogue ».

Une condamnation est un frein à l’emploi, au logement,

et aux aides sociales.

 

- Dans les quartiers dits sensibles, les personnes connues pour

vente illégale de cannabis pourront proposer légalement

leur marchandise. De quoi mettre un terme aux trafics et reconsidérer le commerce légal du produit.

L’État californien est le dernier à avoir intégré la légalisation du cannabis

dans sa Constitution. Mais tout n’est pas autorisé pour autant. On ne peut ni en consommer

au volant, ni aux abords des écoles et des lieux publics. Son utilisation est réservée

aux majeurs pour une quantité maximale de 28,3 grammes par personne.

 

En Californie, la légalisation du cannabis récréatif a modifié la situation des consommateurs et des vendeurs :

 

« Après avoir été à la pointe

de la guerre antidrogue, les États-Unis sont

à la pointe du mouvement de libéralisation »

 - Brian Vicente

Cet environnement tendu fait écho aux émeutes de Clichy-sous-Bois en 2005. Nicolas Sarkozy déclarait vouloir « nettoyer le quartier des trafics

et des délinquants », associant banlieues et drogues dans l’inconscient collectif.


L’arrivée de Barack Obama symbolise un nouveau départ. Depuis 2008,

les États-Unis assouplissent progressivement leur législation. Vingt états

tolèrent désormais la consommation de cannabis à des fins thérapeutiques,

et 8 pour usage récréatif dans un cadre privé.

En 40 ans, les États-Unis ont abandonné ce que le président Nixon appelait

« la guerre contre la drogue ». À l’époque, le gouvernement n’hésitait pas

à exclure consommateurs et trafiquants des logements sociaux, allant jusqu’à les priver de toute aide fédérale à vie.

USA : de la guerre à la libéralisation

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Le cannabis s’inscrit au coeur d’un processus législatif complexe, qui ne dépend pas seulement des pays eux-mêmes. La volonté de l'OMS à privilégier les hôpitaux

aux tribunaux symbolise une approche plus progressiste. Le produit fait partie

de notre quotidien, l'organisme souhaite contenir plutôt que de supprimer à tout prix.


Le cas des États-Unis offre une nouvelle perspective. Bien que le passé du pays soit entaché d’une guerre contre la drogue, il est maintenant « à la pointe du mouvement

de libéralisation ».

Photo - Gendarmerie

Des manifestants se mobilisent à Paris (FR), CC-BY Maya-Anaïs Yathagène

Fabrice Olivet

Il est directeur de l'association

et du magazine ASUD

(Auto-Support des Usagers

de Drogues). Il fait également partie de la Commision nationale

des stupéfiants et des psychotropes.

Fabrice Olivet

Des organisations comme l’ONU et l’Organisation mondiale de la santé ont aussi leur mot à dire en matière de drogues. Fabrice Olivet appartient à la Commission nationale des stupéfiants et collabore avec elles.

 

En matière de cannabis, l'OMS évalue des impacts sur la mémoire

et l’attention, comme la difficulté à gérer plusieurs tâches

ou à coordonner des mouvements. Mais à l’inverse de la France,

ce n’est pas la prohibition qui règne. L'organisme souhaite

que « les consommateurs de drogues soient (...) pris en charge »

par les hôpitaux plutôt que par les tribunaux. Ses avis font autorité  auprès des ministères nationaux.

Drogues : au-delà des frontières

Les cas de dépénalisation seraient une première étape. Certains prônent

la contraventionnalisation qui pénalise l’usage de cannabis par une simple amende.

D’autres optent pour le même modèle que l’alcool tout en réprimant la conduite dangereuse.

 

La légalisation est également envisageable. Elle consiste à lever l'interdiction de l'usage

et de la vente de cannabis. Le produit deviendrait légal au même titre que les cigarettes

ou l'alcool. Une solution pour contrer le marché noir, qui pourrait donner matière

à réfléchir aux gouvernements.

Mêmes certaines figures politiques le concèdent. « Il faut prendre la mesure

de notre échec », avouait le ministre de l’Économie Bruno Lemaire en début d'année.

Benoît Hamon va plus loin et pointe du doigt « l'échec de la prohibition à diminuer

la consommation de cannabis, puisqu'elle augmente ». De quoi faire changer d’avis l’Hexagone ?

« Il faut prendre la mesure de notre échec. On a l'arsenal répressif le plus dur

et la consommation la plus élevée »

- Bruno Lemaire

OFDT

Groupement d’intérêt public dont la recherche s’intéresse aux drogues et aux addictions via un dispositif d’observation et d’enquête.

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Les constats d’échec se multiplient. Une tribune signée par d’anciens chefs d’État

évoque la défaite de la lutte anti-drogues en France. L'ONG Médecins du monde,

en guise de réponse à un modèle bancal, souhaite débattre sur la légalisation

des stupéfiants. Même son de cloche du côté des chercheurs, qui vont jusqu'à

proposer une refonte de la politique en place. De toute part, la prohibition est critiquée,

sans être débattue.

L’échec de l’armada répressive se traduit en chiffres. Le récent rapport

de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)

est sans appel : le niveau des saisies a atteint un record historique en 2016 avec 71 tonnes de cannabis et 126 400 plants. Entre 1992 et 2016,

la consommation du produit a doublé. Bilan, la répression n'aura pas rempli son rôle de rempart contre la consommation et le trafic de drogues.

La rançon de l'échec

Les avertissements et propositions alternatives peinent à s’immiscer dans le débat.

De nombreux rapports qui s’accordent sur la non-dangerosité du cannabis s’accumulent depuis 40 ans. Dès 1989, la « légalisation contrôlée » de Francis Caballero, avocat

et ex-professeur à Paris-Nanterre, n’avait pas séduit la gauche. Le rapport Vailliant (PS)

de 2011 s'était d’ailleurs réapproprié le modèle, qui préconise un cannabis légal à 18 ans,

un usage thérapeutique reconnu, ainsi qu’une prévention et une répression de la conduite

à risque comme pour l’alcool. Mais rien n'y fait, le modèle français se dirigeait droit dans le mur.

En 2012, François Hollande et le gouvernement Ayrault arrivent au pouvoir. L'interdiction des drogues ne fait plus l’unanimité. Alors que l'ex-Président prône

une réflexion européenne sur la dépénalisation du cannabis, Ségolène Royal (ministre de l’Écologie) et Manuel Valls (Premier ministre) sont davantage

sur la réserve. La gauche reste hésitante à l’idée d’aborder le dossier,

même si le débat est relancé à l'Assemblée.


Pour Olivier Hurel, la prohibition ne doit pas être catégorisée en fonction

de l’orientation politique. Selon cet expert de Norml, qu’importe le parti,

changer de discours reviendrait à  « contredire une politique que la France

a défendu bec et ongles ». La tradition de la répression endigue le débat,

le modèle fait partie des meubles.

Ces lois sont l’oeuvre des gouvernements successifs. En France, la répression apparaît comme une valeur de droite. Dès 1998, Jacques Chirac se disait intransigeant à propos du cannabis. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, tenait le même discours, réclamant « la sévérité à l'égard des consommateurs ».

Une politique de tous bords

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Une du Parisien Libéré du 27 août 1969 (FR), DR SWAPS

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« [En 1969], un fait divers va accélérer

le processus législatif. La dictature

de l'émotion fonctionnait déjà »

- Stéphane Gatignon & Serge Supersac 

Olivier Hurel

Il est responsable des

relations publiques à Norml.

C’est un passage dans une

ferme de cannabis qui éveilla

sa conscience en matière

de drogues.

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Olivier Hurel, chargé des relations publiques à Norml, évoque une approche qui manque de recul. Cette dernière sera malgré tout le point de départ d’un nouveau modèle répressif français, débuté en 1970.

En 1969, une jeune femme meurt par injection d’héroïne.

Un an plus tard, la loi du 31 décembre 1970 est votée, véritable pilier

de la prohibition des drogues en France. L’ex-maire de Sevran Stéphane Gatignon et l’ancien agent de police Serge Supersac dénoncent une « dictature de l’émotion ». Ce premier cas d’overdose

est à l'origine d'un engouement médiatique qui contribuera

à diaboliser les stupéfiants. Tout porte à croire que l’affaire

a motivé le vote de la loi.

Tradition de la répression

Dans ce cas, à quoi bon réprimer l’usage du cannabis si l’alcool,

tout aussi dévastateur sur les routes, peut être consommé légalement ? Depuis des décennies, une tradition de la répression

paralyse le gouvernement français.

L’armada répressive française a entraîné des incohérences. À partir

d'un certain seuil, « une personne qui consomme des stupéfiants

et qui prend le volant risque les mêmes peines » qu’un conducteur

contrôlé sous état d’ivresse. Une réalité dépeinte par Michel Benezra,

avocat en droit automobile. Bien que leur statut légal diffère, l'alcool

comme les stupéfiants sont la cause de nombreux morts sur les routes.

En France, la répression des drogues est un échec. Entre 1992 et 2016,

l'usage du cannabis n'a fait qu'augmenter. Les exemples de pays qui ont légalisé

le produit, comme l'Uruguay et les États-Unis, sont nombreux. Le débat commence seulement à progresser dans l’Hexagone, 50 ans après le début de la prohibition.

Michel Benezra

Avocat en droit automobile à Paris,

il est spécialiste du droit pénal routier. Il déclare mettre sur le même plan alcool et stupéfiants en matière d’infractions au volant.

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MICHEL
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     SEULE SOLUTION ?

LA RÉPRESSION

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Sculpture et drapeau ornent le palais de justice de Metz (FR), DR

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